Les travailleurs immigrants et immigrantes, à leur arrivée dans la province, sont encouragés à s’inscrire gratuitement aux cours de francisation mis en place par le gouvernement du Québec via les établissements scolaires et les organismes communautaires. Toutefois, certaines personnes participent à d’autres alternatives comme le jumelage linguistique qui met de l’avant une approche dynamique, interculturelle, inclusive et égalitaire.
En quoi ça consiste ?
Il existe plusieurs moyens créatifs quand vient le temps de fournir des alternatives aux immigrants pour faciliter leur intégration. Le jumelage linguistique en fait partie, mais en quoi ça consiste au juste ? C’est justement la question à laquelle notre journaliste a tenté de répondre.
De façon simplifiée, ce sont des rencontres organisées pour permettre aux participants et aux « jumeaux » d’échanger sur divers sujets afin de pratiquer une langue. L’initiative implique généralement la rencontre entre des personnes avec des besoins et des motivations complémentaires ; le besoin de parler, le désir d’écouter, d’être utile, de partager son vécu, de reconstituer un réseau social, de « voyager tout en restant chez soi » notamment, apprend-on sur le site du Réseau de jumelage interculturel du Québec.
L’idée dans un contexte linguistique est donc pour l’étudiant d’échanger avec un « jumeau ou une jumelle » avec qui il entretient une relation privilégiée.
Comprendre la culture des autres
À l’AIEM, en plus des rencontres hebdomadaires, une sortie mensuelle est organisée pour permettre aux uns et aux autres de se retrouver dans un environnement culturellement différent. Eliana Sanchez, co-chargée de projets, nous confie que « plusieurs nouveaux arrivants, en dehors de leurs cours de français, n’ont pas une grande vie sociale et s’enferment chez eux sans avoir réellement l’opportunité de pratiquer le français en dehors des cours. Le jumelage linguistique et interculturel leur permet de sortir de leur zone de confort et d’aller à la rencontre de nouvelles personnes et de nouvelles cultures, principalement la culture de la société d’accueil. » Ce qui, au final, selon cette dernière, permettrait une intégration socioculturelle plus efficace pour ces personnes.
Les mentors, dits « jumeaux », sont recrutés de différentes manières : réseaux sociaux, communications internes, réseaux des mentors ou même via les participants. Valérie Nadon, également co-chargée de projet du jumelage linguistique à l’AIEM explique : « Le critère numéro un pour les mentors, c’est l’ouverture d’esprit puis d’avoir des connaissances générales variées sur la culture québécoise. Leur rôle consiste à créer un climat de confiance au sein de leur petit groupe afin que les participants et participantes soient tous à l’aise de prendre la parole. » Dans ce cas-ci, l’implication des mentors est circonscrite dans le temps, deux heures par semaine, et encadrée par les responsables du projet. Cette formule facilite probablement le recrutement des bénévoles puisque plusieurs personnes n’ont pas nécessairement le temps de s’investir dans un jumelage plus traditionnel demandant plus de disponibilités.
« Il faut trouver des moyens d’accélérer les contacts et les rencontres. Plus les gens se côtoient, plus les différentes craintes s’estompent. » — Charles Taylor
De nombreuses variantes
Plusieurs organismes à Montréal et aux environs offrent le service de jumelage linguistique et interculturel sous plusieurs formes. Entre les organismes qui font du jumelage entre femmes, ceux qui jumellent des comités citoyens à des familles de nouveaux arrivants, ceux qui jumellent des aînés québécois et des immigrants [pour cohabiter] et ceux qui jumellent des parrains québécois aux nouveaux arrivants, il y a de la variété en termes de jumelage à la grandeur du Québec.
Depuis 2016, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain conduit le projet novateur « J’apprends le français » qui favorise le jumelage entre des étudiants universitaires et des commerçants. Ce projet vise à améliorer les compétences linguistiques des propriétaires et employés de petits commerces et ce, au sein même de leur établissement. Un service offert notamment dans Saint-Léonard.
Déborah Grausem, responsable du jumelage culturel à la Table de Concertation des Organismes au service des Personnes réfugiées (TCRI), estime que « le jumelage est une pratique très importante, car il permet à des personnes de tous horizons et parlant des langues différentes de se retrouver, d’interagir et au final d’apprendre les uns des autres. »
Établir des liens intimes et durables
En mars 2017, la TCRI publiait dans un rapport Recherche-Action que : « Le jumelage présente d’excellentes perspectives d’avenir pour la société. Il s’agit du seul programme structuré permettant aux membres de la société québécoise et aux nouveaux arrivants d’établir des liens intimes et durables, un programme essentiel dans la construction d’une société inclusive où la notion de vivre ensemble constitue la dynamique principale entre les citoyens. » De plus, « si les programmes venaient à disparaître, le Québec perdrait un outil important dans sa voie vers une plus grande cohésion sociale, en particulier dans le contexte actuel. »
Comme le disait le philosophe Charles Taylor : « Il faut trouver des moyens d’accélérer les contacts et les rencontres. Plus les gens se côtoient, plus les différentes craintes s’estompent. » Au final, quel que soit l’angle par lequel on aborde la francisation au Québec, quels que soient les organismes qui offrent ce service à travers la province, le jumelage semble être un atout très important pour la société. Il ne serait pas surprenant de continuer à voir de plus en plus d’initiatives se développer dans ce sens dans les prochaines années.